Par DEAN BEEBY
Depuis bien longtemps déjà, la Défense nationale n’est pas un modèle à suivre quand il s’agit de respecter la Loi sur l’accès à l’information. Son manque de transparence s’avère particulièrement préoccupant depuis que les porte-parole du ministère de la Défense nationale (MDN) ont publié une déclaration controversée sur la guerre à Gaza et ont ensuite fait fi de la loi en refusant de répondre à la demande d’accès à l’information d’un journaliste qui souhaitait savoir comment le MDN en était venu à ces conclusions.
Le plus récent exemple : le journaliste du Globe and Mail Frederik-Xavier D. Plante a demandé l’accès à des documents militaires internes faisant le bilan sur le bombardement d’un hôpital de Gaza. Le ministère n’a pas répondu dans le délai prescrit de 30 jours, n’a pas demandé de prolongation, et a même rejeté une ordonnance de produire des documents de la Commissaire à l’information Caroline Maynard, soutenant qu’il irait devant les tribunaux pour faire annuler cette ordonnance.
Avec tous ses secrets militaires et procédures de sécurité à protéger, la Défense nationale n’est pas une sinécure à gérer.
Cela dit, la situation entourant la demande liée à Gaza a touché un nerf sensible. Dans sa déclaration, le ministère en venait à la conclusion que les Forces de défense israéliennes n’étaient pas responsables de l’attaque qui a fait au moins 100 morts dans un hôpital de Gaza. Tant les FDI que le Hamas ont nié toute responsabilité. M. Plante voulait savoir sur quoi se fondait la déclaration du MDN.
L’obstination du ministère est certes frustrante, mais elle n’a rien de surprenant. Dans son plus récent rapport annuel, Mme Maynard écrit avoir rendu 32 ordonnances contre la Défense nationale.
Mme Maynard a comparu devant la Cour fédérale à trois reprises pour demander un bref de mandamus, c’est-à-dire une demande présentée au tribunal pour que celui-ci ordonne au ministère de se conformer à l’ordonnance de la Commissaire. N’oublions pas que toutes ces escarmouches juridiques inutiles sont financées par des fonds publics.
L’un des problèmes est le fait que la Défense nationale assure une rotation relativement rapide des membres de son unité d’accès à l’information; il y a donc peu d’occasions pour ceux-ci d’acquérir des compétences en la matière. En outre, la structure hiérarchique stricte des forces armées favorise une culture de déférence, ce qui signifie que le personnel de l’AIPRP (Accès à l’information et protection des renseignements personnels) n’est souvent pas à l’aise d’exprimer son désaccord (même s’il est justifié) lorsqu’un officier supérieur rechigne à l’idée de communiquer des documents.
Résultat : les journalistes sont laissés en plan et ne sont pas en mesure d’informer le public sur l’une des institutions fédérales canadiennes qui a le plus d’influence et dont les dépenses sont les plus importantes. C’est pourquoi nous ne savons rien de l’analyse de la Défense nationale sur l’incident à Gaza. Et c’est pourquoi le ministère est si souvent libre d’agir sans se soucier d’être surveillé ou de devoir rendre des comptes.
Dean est administrateur de LPC et signe une infolettre sur l’accès à l’information et la transparence.