La DépêcheMOT DE LA PRÉSIDENTE

Les journalistes, ces héros de l’ombre dont on doit mettre la contribution en lumière

By décembre 3, 2023 décembre 6th, 2023 No Comments

Il est de plus en plus difficile de discerner les « informations » véridiques de celles qui ne le sont pas, et de faire la différence entre les images réelles et celles générées par hypertrucage.

Les plateformes de médias sociaux évoluent plus rapidement que notre capacité à traiter le contenu qui y est publié.

Nous devons trouver un moyen de fournir des informations fiables aux gens, et ce sont les journalistes qui peuvent faire ce travail.

Le rôle des journalistes consiste à informer le public, à demander des comptes aux dirigeants et à donner une voix aux personnes qu’on pourrait ne pas entendre autrement. Les journalistes mettent en contexte les événements qui façonnent notre monde en rendant compte des événements réels et de leurs causes.

Ils assistent à des conférences de presse pour poser des questions, puis rendre compte des réponses. Ils mènent des enquêtes de plusieurs mois pour mettre au jour des faits que certaines personnes préféreraient garder secrets. Ils assistent aux réunions de conseils municipaux dans de petites villes lorsque personne d’autre n’y porte attention.

Le Comité canadien pour la liberté de la presse raconte leurs histoires. Nous luttons pour que les journalistes puissent exercer leur travail et nous défendons la liberté de la presse.

Chaque année, nous reconnaissons la contribution de journalistes canadiens qui, pour réaliser leur travail dans l’intérêt public, ont surmonté le secret officiel, des manœuvres judiciaires, de l’intimidation ou des tactiques ayant mis leur carrière ou leur sécurité en danger. Cette démarche culmine avec un dîner de remise de prix annuel célébrant la Journée mondiale de la liberté de la presse.

La liberté de la presse est cruciale autant à l’échelle locale qu’à l’échelle nationale et à l’échelle mondiale.

Il suffit de penser aux guerres en cours en Ukraine et au Moyen-Orient, qui font chacune l’objet de campagnes de propagande visant à façonner l’opinion publique aux quatre coins du monde. Les journalistes travaillent avec les faits à mesure qu’ils les découvrent.

L’antidote à la propagande et à la désinformation est un retour aux principes fondamentaux du journalisme.

En premier lieu, il faut distinguer les informations des opinions. Dans l’écosystème de l’information actuel, les opinions sont souvent présentées comme des faits, et étayées par des faussetés. Des termes comme « faits alternatifs » et « fausses nouvelles », que l’ancien président américain lançait allègrement, ont été utilisés pour miner la confiance dans les vraies nouvelles. Ce jargon mine le journalisme, et nous devons y remédier.

En deuxième lieu, le secteur du journalisme se doit d’accorder la priorité à la qualité de l’information plutôt qu’à la rapidité et à la quantité. La qualité doit également avoir préséance sur les opinions.

Lorsqu’ils doivent synthétiser des tonnes d’informations dans des délais serrés, la plupart des journalistes se retrouvent enchaînés à leur bureau. La spécialisation apporte une réponse à ce problème, tout en permettant aux journalistes d’établir des contacts significatifs et d’acquérir une expertise. Elle leur permet aussi d’être mieux outillés pour poser des questions difficiles – et des questions de suivi – qui feront avancer leur reportage, ou le feront avorter dès le départ.

En troisième lieu, le secteur de l’information a besoin d’investissements rapides. Le plus récent rapport du Local News Research Project révèle que 511 organisations de nouvelles locales ont mis fin à leurs activités dans 342 communautés au Canada entre 2008 et le 1er octobre 2023. Les « déserts d’information » résultant de ces fermetures ont créé un vide qui a profité aux médias sociaux non réglementés. Le financement d’entreprises de nouvelles émergentes pourrait avoir une grande incidence à l’échelle locale, et devrait donc être soutenu par des incitatifs fiscaux et un engagement citoyen.

En quatrième et dernier lieu, le gouvernement doit jouer un rôle. Les politiques publiques doivent appuyer notre droit constitutionnel à la liberté de la presse. À l’instar des éditeurs de presse, les plateformes en ligne traitent le contenu comme une marchandise. Mais contrairement aux éditeurs de presse, elles ne produisent pas de contenu, ne paient pas pour le contenu qu’elles diffusent, et n’en sont pas tenues responsables. Le Canada a besoin d’une politique rigoureuse pour responsabiliser les grandes entreprises technologiques.

En milieu de travail, les employeurs doivent s’assurer qu’ils disposent de politiques pour gérer les menaces et offrir de la formation. Que ce soit en ligne ou dans la rue, les menaces et la violence – en particulier envers les femmes – créent un effet dissuasif. La Commission canadienne pour l’UNESCO, qui parraine le Comité canadien pour la liberté de la presse, a mené des recherches approfondies sur l’incidence de ces phénomènes.

Le grand défi consiste à trouver un moyen de faire de l’argent grâce à un nouveau modèle d’affaires mettant l’accent sur la fonction de base au sein des organes médiatiques : le journalisme. L’ancien modèle faisait le pont entre les consommateurs et les annonceurs, puis utilisait les fonds ainsi générés pour financer la diffusion de l’information. Or, ce modèle ne fonctionne plus. La diffusion de l’information doit désormais s’autofinancer. Heureusement, cette activité a de la valeur. Il nous appartient de le démontrer.

Les Canadiens et Canadiennes ont le droit à une information fiable et opportune, publiée sans craintes ni faveurs. Sans cela, notre démocratie – notre société telle que nous la connaissons – ne peut pas fonctionner.

Le Comité canadien pour la liberté de la presse soutient les journalistes en défendant leur protection personnelle et la liberté de la presse. Vous pouvez les soutenir vous aussi, en vous abonnant à leurs publications. Vous en retirerez des avantages inestimables.

 

Heather Bakken

Présidente

Comité canadien pour la liberté de la presse