La guerre qui oppose Israël au Hamas a entraîné un nouveau conflit entre les politiciens du Parti conservateur du Canada et le service de nouvelles de la CBC.
Les conservateurs ont juré de retirer le financement accordé à la CBC pour ses activités télévisuelles et son service de nouvelles s’ils sont élus, et ils ont fréquemment critiqué la façon dont la CBC couvre la politique canadienne et les événements mondiaux.
Lors d’une réunion d’un comité parlementaire tenue en octobre, des députées conservatrices se sont attaquées à la couverture de la guerre au Moyen-Orient assurée par la CBC. Les députées Rachel Thomas et Melissa Lantsman ont reproché au radiodiffuseur public de ne pas qualifier catégoriquement le Hamas d’organisation terroriste.
Au cœur de ce débat : la directive donnée par la CBC à ses journalistes d’éviter l’utilisation du terme « terroriste », sauf lorsqu’ils citent des personnes interviewées ou des déclarations de tiers. La Presse Canadienne, l’Associated Press, la BBC et de nombreuses autres organisations suivent ces mêmes lignes directrices.
Le gouvernement canadien a désigné le Hamas comme une organisation terroriste, tout comme les gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni et d’autres pays occidentaux. L’attaque que le Hamas a menée dans le Sud d’Israël le 7 octobre, au cours de laquelle des civils – hommes, femmes et enfants – ont été assassinés, répond clairement à la définition d’une « attaque terroriste ».
Il est évident que cette situation peut faire l’objet d’un débat légitime sur la pratique journalistique. Les députées conservatrices ont toutefois dépassé les bornes dans leurs critiques envers la CBC.
Rachel Thomas a déclaré à ses collègues au sein d’un comité parlementaire qu’en refusant de qualifier le Hamas d’organisation terroriste, la CBC se plaçait « du côté des terroristes » et « contre la population juive ».
Pour sa part, Melissa Lantsman, la leader adjointe du Parti conservateur, a remis en question l’intégrité journalistique du radiodiffuseur. Ces deux députées – et, par extension, leur parti – tentent essentiellement de subordonner Radio-Canada à l’État, soit le reproche même qu’elles adressent au radiodiffuseur public lorsqu’elles le qualifient d’organe médiatique géré par l’État.
Lorsque les politiciens s’en prennent aux journalistes qui ne partagent pas leurs positions et aux organes médiatiques avec lesquels ils sont en désaccord, ils exacerbent la tendance inquiétante à la polarisation des citoyens. Il en résulte un discours haineux débridé, qui favorise une montée du racisme ainsi que de l’intolérance religieuse et ethnique.
Elles ont présenté une motion visant à convoquer les directeurs principaux de l’information de la CBC devant le comité afin de les blâmer pour leurs politiques éditoriales; cette motion a été rejetée par les députés libéraux, néo-démocrates et bloquistes.
Le Comité canadien pour la liberté de la presse estime que le fait pour un comité parlementaire de dicter la politique éditoriale de la CBC constituerait une ingérence grossière dans l’indépendance éditoriale de l’organisation.
Accuser la CBC d’être du côté des terroristes, c’est aussi accroître le risque que les journalistes de l’organisation – y compris ceux qui travaillent sur le terrain au Moyen-Orient – soient ciblés par des partisans en colère et potentiellement violents.
Lors de conférences de presse, les journalistes au Canada sont de plus en plus critiqués par les élus pour des reportages qu’ils ont faits, ou pour les organismes de presse qu’ils représentent.
Lorsque les politiciens s’en prennent aux journalistes qui ne partagent pas leurs positions et aux organes médiatiques avec lesquels ils sont en désaccord, ils exacerbent la tendance inquiétante à la polarisation des citoyens. Il en résulte un discours haineux débridé, qui favorise une montée du racisme ainsi que de l’intolérance religieuse et ethnique.
Afin de préserver la démocratie canadienne, nous devons tous respecter la démarcation entre désaccord et affrontement.