Prix de la liberté de la presse

Félicitations aux lauréats des Prix de la liberté de la presse 2025 !

Lauréat du prix de la liberté de la presse, Daniel Renaud

Pour ses collègues à la salle de rédaction de La Presse, Daniel Renaud est professionnel et discret, mais ses reportages audacieux témoignent de l’importance d’un journalisme rigoureux, indépendant et profondément courageux au Canada.

Or, ces reportages ont bien failli lui coûter la vie.

En 2024, Renaud a passé des mois à recueillir et à organiser une quantité impressionnante d’informations provenant d’entrevues et de documents, ce qui a abouti à un portrait exceptionnel de Frédérick Silva, tueur professionnel pour la mafia montréalaise.

Chaque année, Liberté de la presse Canada rend hommage aux personnes qui apportent une contribution exceptionnelle à la liberté de la presse au Canada. Les prix annuels de la liberté de la presse récompensent des personnes dont les reportages d’intérêt public ont surmonté des difficultés importantes, telles que le secret gouvernemental, les pressions juridiques, l’intimidation politique, les menaces de violence, le harcèlement ou d’autres tactiques visant à étouffer leur travail ou à mettre en péril leur sécurité et leur carrière. Liberté de la presse Canada décerne deux prix de la liberté de la presse, l’un pour les grandes publications et le prix de la liberté de la presse, journalisme local, pour un journaliste qui travaille pour un organisme d’information de petite taille.

Si les dangers du métier de journaliste n’ont plus aucun mystère pour Daniel Renaud, qui enquête courageusement sur le monde du crime organisé depuis près de 30 ans, une des nombreuses informations qu’il a apprises sur Silva sort du lot tant elle est terrifiante.

Le travail journalistique de Renaud a fait de lui une cible, et sa tête a été mise à prix à hauteur de 100 000 $.

En effet, après être devenu délateur, Frédérick Silva a révélé aux enquêteurs qu’il en avait eu assez des révélations faites par le journaliste de La Presse et qu’il avait voulu le faire assassiner. De hauts dirigeants d’organisations criminelles québécoises avaient approuvé le complot, et une équipe de tueurs professionnels avait été triée sur le volet pour le liquider.

Heureusement pour Daniel Renaud, le plan a avorté.

Pourquoi ses reportages ont-ils autant exaspéré Silva? Apparemment, la persistance indéfectible du journaliste, qui s’était présenté au tribunal pour chaque audience du procès de Frédérick Silva, avait contrarié le tueur à gages. Daniel Renaud était souvent le seul journaliste dans la salle d’audience et il était toujours au rendez-vous, même quand la question à l’étude ce jour-là était d’ordre technique ou apparemment inintéressante.

Le rendez-vous manqué de Daniel Renaud avec la mort a piqué l’intérêt de médias partout dans le monde, dont la BBC, les journaux Daily Mail et Times of India, la télévision française et pratiquement tous les médias d’information canadiens.

Au Québec, des députées et députés des quatre partis politiques se sont levés à l’Assemblée nationale pour exprimer leur solidarité envers Daniel Renaud. À la Chambre des communes, leurs homologues fédéraux ont adopté une proposition à l’unanimité pour soutenir ce journaliste dont le travail est un « pilier de notre démocratie » et souligner l’importance pour les journalistes de pouvoir faire leur travail librement, « sans crainte de représailles ».

Selon le député de Québec Solidaire à l’Assemblée nationale Vincent Marissal, un ancien journaliste de La Presse, Renaud « n’est pas le gars qui fait le plus de bruit dans une salle de rédaction, mais apparemment, il dérange beaucoup. Ça veut dire qu’il fait son travail. »

Au-delà des médias, le travail de Renaud a généré un débat public important sur le caractère essentiel du journalisme indépendant, y compris parmi les politiciens, les corps policiers, les avocates et avocats, la magistrature et le grand public.

Le jury de Liberté de la presse Canada est d’accord.

Après avoir appris qu’il avait failli perdre la vie aux mains de la mafia, Renaud a pris une journée de congé pour se remettre du choc. Le lendemain, il reprenait déjà le boulot.


Prix de la liberté de la presse certificat de mérite

Grant Robertson et Kathryn Blaze Baum

Pendant près d’un an, une entreprise de transformation alimentaire de Pickering en Ontario a dû faire face à un problème de listéria qui était demeuré non indéfié et donc non pris en charge.

Trois personnes sont mortes et considérablement plus furent malades suite à cette épidémie qui a été qualifiée de terrible accident. La réalité c’est qu’il s’agissait de plus que cela et que les Canadiens n’étaient pas au courant.

Une enquête du Globe and Mail, menée en 2024, a fait la lumière sur les failles du système de sécurité alimentaire au Canada et sur le fonctionnement de l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Dans leur série “The Algorithm” les reporters Grant Robertson et Kathryn Blaze Baum ont révélé de nouvelles informations dérangeantes sur la façon dont les entreprises de transformation alimentaire avaient réussi à obtenir le droit de s’auto-réglementer dans un système qui met à risque la santé du public.

Par un travail acharné pendant plusieurs mois, Robertson et Baum ont réussi à faire avouer par l’ACIA une réalité qu’elle gardait sous silence – que l’usine en question à Pickering n’avait jamais été inspectée avant l’épidémie.

Grâce à des informations de diverses sources à l’intérieur de l’ACIA et du gouvernement fédéral, appuyées par des centaines de documents, l’enquête a produit sa plus importante révélation: pour rendre le système d’inspection plus efficace, l’ACIA avait adopté une approche de gestion des risques, gérée par un algorithme qui décidait quelles usines devaient être priorisées pour une inspection, et celles qui ne l’étaient pas.

En raison de problèmes sérieux avec l’algorithme, l’usine de Pickering est passée entre les fentes du plancher, causant les trois morts.

Les reporters ont développé un réseau d’une quarantaine d’informateurs, plusieurs d’entre eux au gouvernement fédéral et plusieurs autres dans la communauté internationale de la sécurité alimentaire. Parmi ces sources, on retrouve des inspecteurs de l’ACIA qui ont parlé aux journalistes du Globe malgré les risques que cela représentait.

Robertson et Baum ont fait face à énormément d’obstruction de la part du propriétaire de l’entreprise, Joriki Inc. et de Danone Inc, le géant de l’industrie laitière en France, toutes deux impliquées dans l’affaire des produits contaminés.

La plus grande obstruction est cependant venue de l’ACIA. Pendant une période de deux mois, le Globe a dû envoyer plus de 90 questions à l’Agence pour pouvoir découvrir dans le détail ce qui s’était passé.

Ce travail a eu un impact immédiat qui va transformer le fonctionnement de l’ACIA et du système de salubrité des aliments.

Patti Sonntag

Les dirigeants autochtones demandent depuis longtemps au gouvernement d’enquêter sur les abus présumés de sa politique d’approvisionnement auprès des Autochtones.

Entendant ces préoccupations, Patti Sonntag a pris les devants pour faire ce que le gouvernement fédéral ne faisait pas. À la tête d’une équipe d’étudiants de l’Université des Premières Nations du Canada, elle a suivi avec diligence une piste qui a mené à des soumissions potentiellement frauduleuses, à une négligence dans la surveillance publique et même à un réseau de trafic de cocaïne.

Au cours de son enquête, Mme Sonntag a fait l’objet de menaces juridiques de la part d’importants entrepreneurs publics et s’est acharnée à obtenir des informations gouvernementales qui avaient été dissimulées au public et aux entrepreneurs autochtones légitimes pendant 28 ans.

Les reportages de l’équipe ont donné lieu à trois enquêtes parlementaires, ainsi qu’à la démission du libéral Randy Boissonnault du cabinet après que Mme Sonntag eut révélé que son entreprise avait faussement déclaré être détenue par des Autochtones dans une correspondance relative à des appels d’offres pour des contrats gouvernementaux.

En collaboration avec ses collègues et seule, Mme Sonntag a mené plusieurs enquêtes, de la phase initiale jusqu’à la publication finale dans le National Post et Global News. La série a été lancée en août 2024 et les reportages se sont poursuivis tout au long de l’automne jusqu’à aujourd’hui.

Selon Patricia Elliott, sa collègue de la FNU, la capacité de Mme Sonntag à mener cette enquête repose sur la confiance qu’elle a établie au fil des ans avec les organisations autochtones et les membres de la communauté. Qu’il s’agisse d’enquêter sur la contamination de l’eau potable ou sur les politiques fiscales fédérales qui violent les traités, Mme Sonntag a prouvé qu’elle était une journaliste à l’écoute des voix autochtones et qui prend leurs préoccupations au sérieux.

Elle a récemment rejoint la Fondation du journalisme d’investigation en tant que nouvelle reporter à Ottawa et se dit impatiente de se plonger dans les données pour dénoncer la corruption dans la politique fédérale.


Lauréats du Prix de la liberté de la presse, journalisme local

Au premier rang : la chroniqueuse Luisa D’Amato. Au deuxième rang, de gauche à droite : les journalistes Robert Williams, Terry Pender et Jeff Outhit. À l’extrême droite : le rédacteur en chef Jim Poling.

Le Waterloo Region Record est un quotidien qui dessert Kitchener, Waterloo, Cambridge et les communautés rurales avoisinantes du sud-ouest de l’Ontario.

Dans une époque où plusieurs journaux éprouvent des difficultés financières et doivent faire des choix difficiles, le Record maintien les ressources qu’il consacre aux reportages de fond et d’enquête qui défient le secret des gouvernements et qui font rendre des comptes aux décideurs.

Plutôt que de mettre en lumière le travail d’un journaliste, Liberté de la presse Canada a décidé de reconnaître le journal lui-même pour notre prix de journalisme régional. La candidature soumise par le rédacteur en chef Jim Poling, met en lumière le travail de quatre journalistes : Terry Pender, Robert Williams, Luisa D’Amato et Jeff Outhit.

Chacun a dû affronter la conspiration du silence des institutions publiques, parmi lesquelles les administrations municipales locales, le système scolaire public et le collège communautaire. Ils ont réussi à percer ce mur de silence par du travail d’enquête prudent et par des interventions convaincantes et passionnées.

Certains reportages ont pris des mois à être produits. À chaque occasion, le Record a publié en primeur et a été la principale source d’information pour le public. Ces articles ont mis au jour :

  • Un plan secret, orchestré par le gouvernement provincial et tenu sous silence par les élus locaux, qui menaçait les agriculteurs d’expropriation de leurs terres.
  • Un scandale national impliquant le collège communautaire local et sa campagne agressive de recrutement d’étudiants étrangers qui déboursent des frais de scolarité plus élevés. Le Record a mis à jour l’histoire avec des détails sur les inscriptions d’étudiants étrangers et les finances du collège.
  • Un manque de transparence à la commission scolaire publique locale après qu’elle eut embauché un directeur qui s’était donné un mandat de changement mais qui restait très secret sur son processus décisionnel.
  • Un voile de silence entourant un plan du gouvernement de l’Ontario de réformer le système complexe des municipalités régionales. Il y a 5 ans, le gouvernement a mandaté deux experts pour organiser des assemblées, mener des entrevues et rassembler des idées sur le sujet. Une fois publié, le rapport a été tabletté et caché du public. Le journal continue de contester le silence entourant ce rapport.
  • L’histoire incroyable du gouvernement fédéral qui a permis à des criminels de guerre nazis de s’installer au Canada. Pendant 5 ans. Le journaliste Terry Pender a dû combattre Bibliothèque et Archives Canada pour obtenir une copie du rapport secret sur la question.

Le travail effectué par le Record démontre bien l’importance du journalisme régional pour informer les citoyens et faire la lumière sur des décisions et des actions que ceux qui détiennent le pouvoir préféreraient maintenir dans l’ombre.


Prix pour l’ensemble de la carrière en l’honneur de Spencer Moore, Bert Bruser

Jadis, au Canada, il n’y avait pas d’avocat qui exerçait sa profession dans les salles de nouvelles. Puis, Bert Bruser, qui a entrepris sa carrière comme jeune reporter aux sports au Winnipeg Tribune, a quitté le journalisme pour faire son droit. Au cours d’une carrière de 50 ans, M.Bruser a défini ce qu’est un avocat en information dans ce pays, établissant le contexte légal qui appuie les médias dans la recherche, la publication et la protection du journalisme d’intérêt public.

Au Toronto Star, il a accompagné des reporters, les aidant non seulement dans la poursuite de leurs recherches, mais également à faire publier leurs reportages. Ses stratégies juridiques ont contribué à la publication d’articles qui ont eu un impact majeur, du racisme systémique contre les Noirs dans le service de police, au dévoilement que le maire fumait du crack.

Au début des années ’80, sous sa gouverne, la loi des médias est devenue une spécialité du droit, intégrant les droits criminels, constitutionnels et de responsabilité civile. Il a participé à la création de l’Association canadienne des avocats des médias et il a mis sur pied les premiers cours de droit des médias à l’Université du Toronto métropolitain et à l’Université de Toronto.

M. Bruser a assumé la défense contre des poursuites visant à intimider ou à

Bert Bruserfaire taire des journalistes travaillant sur des dossiers controversés. Quand le Star a dû se défendre contre une poursuite de 2 milliards 700 millions de dollars, intentée par le syndicat des policiers de Toronto, au sujet d’une enquête majeure, M. Bruser a conseillé la salle des nouvelles, faisant en sorte que le dossier puisse continuer.

Son esprit stratégique a aidé à établir ce qu’est la liberté de la presse, notamment dans la cause Grant v Torstar Corp, un arrêt majeur de la Cour Suprême en 2009, qui établissait ce qu’est la défense de ¨journalisme responsable¨ et qui mettait en place une protection plus forte pour le journalisme d’enquête. Le juge Paul Schabas, qui était avocat dans cette cause et qui siège maintenant à la Cour Supérieure de l’Ontario estime que Bert Bruser était l’homme des coulisses dans ces grandes poursuites. “Il a donné au Star la confiance nécessaire pour aller de l’avant dans cette poursuite qui aurait pu lui coûter très cher mais qui a finalement mené à un changement de la loi.”

Il était également une force tranquille dans la salle des nouvelles. Il savait comment réécrire les articles pour qu’ils soient publiables sans les diluer. Les reporters se souviennent de sa foi inébranlable en leur travail, même sous attaques.

M. Bruser a pris sa retraite en 2020. Ce qu’il laisse au Star et au journalisme canadien restera. Dans la lettre de recommandation, la rédactrice en chef du Star, Nicole MacIntyre, dit que ¨son travail a redéfini le droit des médias, fortifié la liberté de la presse et a donné aux journalistes les outils légaux pour trouver la vérité, sans crainte et sans compromis. Ses empreintes digitales se retrouvent non pas seulement sur ses victoires passées mais également sur toutes ces histoires à hauts risques qui sont publiées aujourd’hui.


Lauréats du Prix de la réussite scolaire Marieke Glorieux-Stryckman et Aidan Raynor

Marieke Glorieux-Stryckman, rédactrice en chef du journal étudiant The Concordian, a été surprise de recevoir une lettre de cessation et de désistement de la part d’un avocat représentant l’Université Concordia.

Les actes répréhensibles dont elle et un autre étudiant en deuxième année de journalisme se seraient rendus coupables? Déposer des demandes d’accès à l’information.

La lettre, envoyée par un cabinet d’avocats externe engagé par l’université, prétend que les demandes de documents des étudiants concernant les plaintes relatives à la navette inter-campus, à la hausse des frais de scolarité et à d’autres sujets d’enquête habituels pour les médias étudiants étaient « abusives et de mauvaise foi ».

La tentative de l’université de réduire au silence ses propres étudiants en journalisme a créé un précédent troublant. Au lieu de reculer, Mme Glorieux-Stryckman, qui est aujourd’hui rédactrice en chef du journal The Concordian, a porté l’affaire jusqu’à sa résolution par le biais d’une médiation auprès de la Commission de la liberté de l’information du Québec.

Avec son camarade Aidan Raynor, étudiant en journalisme, elle a ensuite transformé ce moment en un acte plus important de journalisme de surveillance qui a mis en lumière la manière dont les universités du Canada traitent les demandes d’accès à l’information.

Ils ont passé six mois à étudier les pratiques de transparence de 29 universités. Ils ont déposé des demandes d’accès à l’information identiques auprès de chaque établissement, en demandant les registres de toutes les demandes d’accès à l’information déposées entre janvier 2021 et mai 2023.

Leur objectif: comparer les temps de réponse, les retards et les taux de refus à travers le pays. Ils ont constaté que Concordia avait le délai de réponse moyen le plus long à Montréal. Les autres écoles de journalisme n’étaient guère mieux. Ils ont également interrogé des étudiants journalistes et des défenseurs des droits de l’homme à travers le Canada sur leur expérience des demandes d’accès à l’information.

Ils ont placé la transparence au coeur de leur enquête, rendant leurs conclusions publiques au moyen d’une carte interactive et d’une base de données en ligne.

Ils ont lancé le « Projet d’université transparente ». La plateforme open-source aide les étudiants et d’autres personnes à déposer et à suivre les demandes d’accès à l’information, y compris un outil qui suggère comment formuler une demande pour augmenter les chances de succès.

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