Par HEATHER BAKKEN, présidente
En septembre, le département de la Justice des États-Unis a dévoilé un acte d’accusation identifiant deux Canadiens comme étant au centre d’une soi-disant campagne de désinformation russe (connue sous le nom de Doppelganger) ayant pour objectif d’influencer les élections présidentielles américaines en novembre.
La chaîne Tenet Media – qui appartient à l’influenceuse canadienne Lauren Chen et à son mari Ian Donovan – est accusée d’avoir servi de façade à un réseau de propagande pro-Kremlin.
Selon le département de la Justice, Mme Chen, qui a travaillé pour la société mère de Russia Today (RT) aurait reçu près de 10 millions de dollars de la part d’agents de RT qui souhaitaient qu’elle recrute d’autres influenceurs pour réaliser des reportages sur certains sujets et faire circuler du contenu spécifique sur les médias sociaux. L’acte d’accusation indique qu’elle aurait facturé RT par l’intermédiaire de son entreprise Roaming Millennial Inc., enregistrée dans la région de Montréal.
La désinformation n’est pas un phénomène nouveau, mais elle a pris énormément d’ampleur et s’est considérablement sophistiquée avec l’avènement des médias numériques. Les puissances étrangères y ont recours pour s’immiscer dans la politique intérieure d’un pays et miner la crédibilité de ses médias et d’autres institutions citoyennes.
En 2022, le CRTC a retiré RT et RT France de la Liste de services de programmation et de stations non canadiens autorisés pour distribution. Le Conseil avait conclu que la programmation n’était pas conforme aux objectifs de la politique énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion et qu’il n’était pas dans l’intérêt public de continuer à la diffuser.
L’acte d’accusation américain allègue qu’en 2023, RT a demandé à Mme Chen de recruter des personnalités conservatrices connues pour accroître la portée de sa campagne. Elle s’est alors tournée vers une autre influenceuse canadienne, son amie Lauren Southern, qui compte près de 850 000 abonnés sur YouTube et plus d’un demi-million sur Instagram. Mme Southern a produit des vidéos axées sur le Canada pour Tenet Media, dont une qualifiant le pays de « trou à rats communiste ».
La propagation de la désinformation a des conséquences bien réelles. Elle peut influencer les élections, semer la discorde, inciter à la violence. Les allégations contre Tenet Media soulignent à quel point notre propre écosystème médiatique est vulnérable à la manipulation des acteurs étrangers.
Au Canada, l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère dans les processus électoraux et les institutions démocratiques fédéraux a repris ses audiences en septembre. Dans son premier rapport publié en mai, la commission a conclu qu’il y avait eu de l’ingérence d’acteurs étatiques, notamment la Chine, dans le processus électoral canadien lors des élections de 2021, et que cela avait influencé les résultats dans certaines circonscriptions.
L’acte d’accusation des États-Unis est un cri d’alarme lancé aux médias et organismes de réglementation canadiens pour qu’ils prennent des mesures contre l’ingérence étrangère et qu’ils sensibilisent le public aux tactiques de désinformation qu’utilisent nos adversaires.
Un bon moyen de protéger la société : s’abonner à des sources d’information fiables. Avoir un ensemble de faits en commun est un bon point de départ pour rétablir un lien de confiance mutuel.