PAR HEATHER BAKKEN
Le rapport de l’UNESCO publié à l’occasion de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes est à la fois un sombre rappel et un cri de ralliement pour la protection de la liberté de la presse à l’échelle mondiale.
Publié tous les deux ans, ce rapport met en lumière les difficultés auxquelles doivent faire face les journalistes œuvrant dans les régions en proie à des conflits et à l’autoritarisme. Le rapport de 2024 lance un avertissement particulièrement sévère : le nombre de meurtres de journalistes est en hausse.
Les données fournies par la directrice générale, Audrey Azoulay, tiennent compte des assassinats de journalistes perpétrés en 2022 et en 2023. En moyenne, on recense un meurtre de journaliste tous les quatre jours. Or, les données révèlent aussi une tendance inquiétante à long terme.
Depuis 2006, plus de 1 700 journalistes ont été assassinés dans le monde. Environ 85 % de ces dossiers ne sont toujours pas résolus. Ce taux d’impunité troublant ne marque pas uniquement un échec des systèmes de justice; il représente un véritable danger systémique pour la liberté d’expression, les droits de la personne et la démocratie elle-même.
Les guerres en cours à Gaza et en Ukraine, ainsi que les conflits dans des pays comme le Soudan et le Myanmar, montrent à quel point les opérations militaires font augmenter la violence contre les journalistes. Au Mexique, les cartels de la drogue et les fonctionnaires corrompus sont la principale menace.
Le rapport de l’UNESCO doit être perçu comme un appel urgent à l’action.
L’impunité pour les crimes commis contre les journalistes a des répercussions qui vont bien au-delà des préjudices subis par ces personnes. Comme l’UNESCO l’a indiqué avec justesse, en faisant taire les journalistes, on entrave l’accès à la vérité, on dissimule d’éventuels abus et on perpétue des cycles de violence sans surveillance ni imputabilité.
Si des personnes malveillantes savent qu’elles peuvent intimider ou tuer des journalistes sans conséquences, il en résultera de profondes répercussions sur l’accès du public à l’information de première main, en particulier dans les régions où les journalistes risquent leur vie pour dénoncer des crimes de guerre, des crises humanitaires et la corruption.
Les chiffres publiés par l’UNESCO répertorient les vies perdues, mais ils indiquent aussi une tendance effrayante au mépris de la liberté de la presse en tant que fondement de la démocratie. Les journalistes ne sont pas simplement des victimes de conflit; on les cible souvent pour étouffer la dissidence, pour cacher des crimes et pour éviter la responsabilité à l’égard du public. Sans une presse libre, la justice est menacée.
Les données de l’UNESCO montrent également une dimension de genre croissante à cette violence. Quatorze femmes journalistes ont été assassinées au cours de cette période, soit le nombre le plus élevé depuis 2017. Ces meurtres mettent en lumière les menaces distinctes auxquelles sont exposées les femmes travaillant dans les médias, notamment la violence physique et le harcèlement fondé sur le genre.
Pour mettre fin à l’impunité, il faut s’engager de façon inconditionnelle à enquêter et à poursuivre les personnes qui commettent des attaques contre les journalistes. De même, les pays démocratiques doivent appuyer la mise en place et le maintien de protections juridiques et logistiques pour les journalistes qui travaillent dans des environnements dangereux, des zones de conflit à l’étranger aux manifestations de plus en plus violentes qui ont lieu ici même, au Canada.
Le rapport 2024 de l’UNESCO invite les gouvernements à prendre davantage de mesures d’intervention. Il souligne que la protection de la liberté de la presse va au-delà de la protection des journalistes, car il s’agit de protéger le droit de chaque personne à une information fiable.